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Helkarava

  • Formation Design Graphique Plurimédia
  • poste Illustrateur
  • lieu Paris

Le choc, la révélation, au point de changer de nom en détournant un anagrame du peintre milanais ! Sa propre voie n’était cependant pas dans les arts plastiques purs – qu’il a testé à la fac – mais dans l’illustration, ce qu’il a compris à l’ESMA. Ses lignes au trait précis enferment de grands aplats de couleurs, pour créer un univers hérité de Tardi et de Fred. Helkarava prête son talent pour illustrer pour d'autres, mais aussi pour mettre en scène ses propres histoire.

Retour sur tes années ESMA

QU’EST-CE QUI T’A POUSSÉ À TE DIRIGER VERS LE MONDE DU GRAPHISME ?

Si je deviens un jour président de la République (oui ça commence comme ça), je ferais en sorte qu’on change le système d’orientation dans les collèges et lycées. Je ne sais pas comment c’était pour vous autres, mais dans les villes moyennes comme Perpignan (là d’où je viens), ben le seul moment où tu réfléchis à ce que tu vas faire plus tard (et peut-être jusqu’à la fin de ta vie) c’est lorsqu’on te donne tes choix de vœux à remplir. Il y a bien des pauvres forums des métiers ou autres, mais jamais, jamais je n’avais pensé à l’existence du métier de graphiste. Sur la fin de mes études, après une illumination, j’ai décidé “d’aller vers l’art” sans vraiment savoir où aller. Après quelques conseils en élitisme, je me suis inscrit dans des grandes écoles diverses et variées (les Arts déco par exemple), et sans succès puisque mon dossier ne pesait pas tripette. J’ai donc suivi le chemin classique des enfants du pays en migrant vers Montpellier, m’inscrivant à la fac d’Art plastique, dernière taverne encore ouverte. Rebelote l’année d’après, mais avec cette fois-ci d’avantages d’acquis sur le milieu artistique et ses dérivés, d’où mon inscription à l’ESMA.

POURQUOI AVOIR CHOISI D’INTÉGRER LE CURSUS DESIGN GRAPHIQUE AINSI QUE L’ÉCOLE ESMA ?

Le dessin a toujours traîné autour de mes feuilles de cours alors j’ai intégré une MANAA et ensuite le BTS Graphisme Édition et Publicité comme une évidence, j’avais plus d’affinités pour le papier et les livres.

QU’EST-CE QUE LA FORMATION T’A APPORTÉ ?

Aujourd’hui je suis dessinateur de BD, un travail qui ne demande aucun diplôme, aucune formation spécifique, il faut juste savoir raconter des histoires. Pour bien raconter des histoires, j’ai l’impression qu’il y a un souci de clarté à avoir dans le récit, et comme la BD est un récit de textes et d’images, c’est pour l’image que la formation m’a beaucoup aidé. Que ça soit pour les couleurs, la composition, la typographie et sans parler de la culture graphique. Ce sont des atouts que j’aurais pu difficilement acquérir seul (c’est propre à ma personnalité paresseuse).

Y AVAIT-IL UNE MATIÈRE QUE TU APPRÉCIAIS EN PARTICULIER ET POURQUOI ?

Je ne me souviens même plus du nom de la matière (art plastique ? ), mais la professeure était Marie Alberto Jeanjacques. On travaillait sur l’art contemporain, et on expérimentait ses diverses formes. J’y connaissais vraiment rien, je regardais ça d’un air un peu supérieur en me disant que les artistes contemporains travaillaient la main dans le slip, mais ce cours m’a beaucoup ouvert l’esprit.

EN SORTANT DE TES ÉTUDES, OU PENDANT, AVAIS-TU UNE IDÉE PRÉCISE DE CE QUE TU VOULAIS FAIRE APRÈS ?

Graphiste, ce pourquoi l’école m’a durement formé !

Ton parcours professionnel

APRÈS L’OBTENTION DE TON DIPLÔME, QUEL A ÉTÉ TON PARCOURS PROFESSIONNEL ?

Je suis allé à Paris, je suis devenu graphiste dans une agence d’Architecture mais à côté je faisais de la BD de manière dilettante. Au bout d’un an, la BD avait pris de plus en plus de place dans ma vie, au point de ne plus supporter un autre travail créatif. J’ai donc démissionné en me disant que d’ici un an je serai le plus grand dessinateur de BD au monde (c’était il y a 10 ans).

SUR QUEL TYPE DE PROJETS TRAVAILLES-TU ? QUELS SONT LES PROFILS DE TES CLIENTS ?

Je suis également illustrateur, j’illustre surtout des articles de presse (Society, Sofilm, Alternatives économiques etc.) ou des couvertures de livres. Au début, je choisissais les clients avec une pointe de snobisme, je me disais que certains clients pouvaient avoir une aura, et m’ouvrir d’autres portes. Mais aujourd’hui je vois ça différemment, je préfère choisir les projets qui m’intéressent pour prendre du plaisir à dessiner, quitte à avoir un boulot alimentaire si je n’ai plus d’argent pour m’acheter du dentifrice.

COMMENT ABORDES-TU LES PROJETS QUI TE SONT CONFIéS ?

Généralement je lis rapidement le projet pour voir s’il m’intéresse, ensuite je laisse mijoter 2 ou 3 mois pour laisser monter en moi l’inspiration, puis 2 jours avant la deadline je me dis qu’il serait peut-être temps de m’y mettre, et après 1 nuit blanche, je rends le projet. Qu’on me demande de refaire parce que j’avais un peu oublié ce qu’il fallait vraiment faire et qu’au final j’ai surtout fait ce que j’avais envie de faire. Ça se passe presque comme ça.

EN QUOI CONSISTE TON TRAVAIL, TON QUOTIDIEN ?

En ce moment je fais surtout de la BD, je vais dans un atelier qui sent le renfermé à Montreuil (à côté de Paris) mais avec le dernier confinement, j’étais surtout chez moi. Donc, je me levais, je marchais 3 mètres jusqu’à mon bureau et voilà.

EN FRANCE, EST-CE COMPLIQUé DE VIVRE COMME ILLUSTRATEUR ? POUR SE FAIRE CONNAITRE ET SE FAIRE UNE PLACE ?

Chaque expérience est différente, on peut réussir de suite ou mettre 20 ans, et ce n’est pas forcément en rapport avec le talent qu’on a. Déjà, les auteurs ou autrices n’ont pas de statut comme les intermittents du spectacle, donc si tu ne travailles pas, tu ne gagnes pas d’argent. Si tu habites dans des villes avec des loyers qui coûtent le prix d’un scooter, il faut donc beaucoup travailler. Je commence par l’argent car c’est finalement ce qui nous préoccupe le plus, et comme les commandes sont variables, on peut bien vivre la moitié de l’année, et gagner zéro euro l’autre moitié. Pour se faire connaître et avoir des commandes il faut constamment relancer les clients, ça prend du temps. Ensuite il faudra constamment les relancer pour être payé. Et bien entendu, tout ça sans parler de la communication sur les réseaux sociaux, qui prend beaucoup de temps. Certaines personnes sont très douées et arrivent à avoir un bon audimat grâce à ça, ce n’est pas mon cas.

VIS-TU DE TES ILLUSTRATIONS OU BIEN EXERCES-TU COMME GRAPHISTE à CôTé ? EST-CE COMPLIQUé D’êTRE ILLUSTRATEUR FREELANCE ?

Ça dépend des moments. Là, j’ai vécu de mon travail pendant 2 ans, et maintenant je travaille au Musée de la chasse et de la nature pour payer mon loyer. J’ai fini une BD (Pain Bénit) qui m’a pris beaucoup de temps et d’énergie, je n’avais pas envie de faire des commandes d’illustration en même temps donc au bout d’un moment, on a plus d’argent, mais c’était mon choix. Pour faire la BD j’ai eu une avance sur droits d’auteur (2000 euros) et une bourse du CNL (8000 euros). Le tout peut paraître beaucoup, mais c’est du brut et à Paris tu ne tiens pas 6 mois.

COMMENT DéCRIRAIS-TU TA PATTE, TON STYLE GRAPHIQUE, CE QUI TE CARACTERISE ?

Je me vois un peu comme le cinéma coréen, je mélange humour, drame et action. Je n’arrive pas vraiment à garder mon sérieux lorsque je dessine, je ne sais pas pourquoi. Pour le style graphique, je ne sais pas, je suppose que je suis un hybride entre le manga, l’underground anglophone et les indé francophones. Pour donner quelques noms : Mizuki, Tsuge, Joe Daly, Julie Doucet, Léon Maret, Matthias Lehmann.

QU’EST-CE QUI TE PLAIT DANS LE METIER D’ILLUSTRATEUR / AUTEUR BD ? QUELLES SONT LES COMPETENCES NECESSAIRES POUR EXERCER CE METIER ?

L’intérêt de ce travail est d’être un peu libre, je dis « un peu » parce que, vous l’avez compris, le besoin de fric est un gros sécateur qui coupe tes ailes. Mais malgré tout, raconter des histoires c’est vraiment génial, même si le processus de création est source d’angoisses et de sidérations, à la fin, avoir son livre entre les mains et le faire lire aux autres c’est exceptionnel. Comme je l’ai dit, pour être auteur de BD, il faut juste savoir raconter des histoires, et pour ça il faut 2 choses : de la volonté et de l’égocentrisme. De la volonté pour mener à bien son projet, car des gens qui ont des projets il y en a à la pelle, mais le plus dur, c’est de le terminer. De l’égocentrisme, car c’est tellement dur de terminer son projet, qu’il faut vraiment croire qu’il va révolutionner le monde.

FAIS-TU DES COLLABORATIONS AVEC D’AUTRES ARTISTES ?

J’aimerais bien, mais j’ai peur de leur planter ma plume dans l’œil.

PEUX-TU NOUS PARLER DE TES BD : SOCIORAMA, CINEPHILOU ET CELLE à VENIR, PAIN BENIT ?

Ma première BD “La banlieue de 20 heures” aux éditions Casterman, est l’adaptation d’une thèse sociologique de Jérome Berthaut sur la représentation de la banlieue au journal télévisé. Ça a été très formateur, déjà d’avoir affaire avec une grosse maison d’édition, puis c’était mon premier long récit. La collection “Sociorama”, était codirigée par Lisa Mandel, elle m’a beaucoup appris.

“Cinéphilou” est une BD sur un rat de cinéma, qui fuit un peu la réalité dans les salles obscures. Je suis beaucoup allé dans les petits cinémas du quartier latin à Paris, et on peut y observer des drôles d’habitués qui vont toujours à la même place.

“Pain Bénit” sort le 30 juillet 2021, aux éditions Même pas Mal. Je viens de recevoir les premiers exemplaires, et j’ai vraiment hâte que ça sorte. On suit Tomi une jeune boulangère qui vit dans un village médiéval. Un jour elle a une vision qui se réalise et on la pousse à devenir la nouvelle oracle du village. Elle, ça l’emmerde, mais elle se sent obligée d’accepter. On va suivre son aventure. J’ai voulu raconter la complexité qu’est de trouver sa voie, surtout lorsqu’on a la famille, les professeurs ou la société qui nous poussent à aller dans les directions qu’ils projettent être les meilleures pour nous.

QUELLES SONT TES SOURCES D’INSPIRATION POUR TES PROJETS BD ? EST-CE DES COMMANDES OU UN SUJET QUI TE TOUCHE PARTICULIEREMENT QUE TU SOUHAITES ABORDER ?

N’importe quoi peut être une source d’inspiration. Une personne, un livre, une anecdote, une scène de rue, des personnes de mon entourage, ma vie, bref, il n’y pas de limite car ça fonctionne comme une formule chimique et le reste des ingrédients sont dans mon cerveau.

EST-CE COMPLIQUé D’êTRE AUTEUR DE BD EN FRANCE ? POUR SE FAIRE EDITER, DE TRAVAILLER AVEC LA MAISON D’EDITION DE SON CHOIX…

C’est vraiment du cas par cas. Comme je l’ai dit, théoriquement tout le monde peut être auteur ou autrice de BD mais en faire sa profession principale est plus difficile. Déjà, tout dépend de nous, personne nous attendra, il faut donc démarcher avec une idée ou un portfolio vers les maisons d’édition. On va pas se mentir, au début on fait n’importe quoi, le métier de BD est quand même un truc de solitaire (à part si on fait les quelques écoles d’élites qui ont un réseau bien huilé, mais même là, personne ne va travailler à ta place), et souvent pratiqué par des gens solitaires qui ne communiquent pas beaucoup, donc on se fait facilement avoir. Les maisons d’édition profitent bien entendu de notre manque d’expérience et nous laissent croire qu’ils nous rendent service en nous éditant. Je n’ai jamais compris pourquoi les syndicats n’étaient pas plus présents pour aider les nouveaux auteurs ou autrices. Mais même plus tard, j’ai l’impression qu’on n’a pas vraiment envie de se confronter à ça, on reste dans notre coin en continuant à se faire rouler dessus. Il y a beaucoup de termes à aborder, comme le soi-disant fait qu’il y ait trop de BD imprimées chaque années etc. Ce n’est pas compliqué d’être auteur de BD, c’est compliqué de le rester.

Concernant le fait de choisir la maison qui va nous éditer, c’est toujours un peu difficile, on en sélectionne plusieurs à qui on envoie le projet et on attend les réponses. S’il y en a plusieurs de positives, on va essayer de choisir une qui paye un minimum et dont on aime bien la ligne éditoriale. Pour ma dernière BD “Pain Bénit”, je suis assez content d’être édité par “Même pas mal”, une maison d’édition indépendante basée sur Marseille qui publie vraiment des livres de qualité et ses éditrices sont vraiment de supers collaboratrices.

POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE LA BD ? ETAIT-CE UN DE TES OBJECTIFS, UN SUPPORT POUR VEHICULER DES IDEES ? SOUHAITES-TU EN VIVRE PLEINEMENT, ETRE AUTEUR BD à PLEIN TEMPS ?

Je suppose que la BD est un médium qui va bien à ma personnalité : solitaire, qui n’aime pas déléguer, qui n’aime pas la hiérarchie.

PARFOIS TU ES SCENARISTE ET PARFOIS NON. COMMENT CELA SE PASSE ? QUELS SONT LES AVANTAGES OU INCONVENIENTS D’ETRE SEUL SUR UN PROJET OU à DEUX ?

J’ai toujours été scénariste, mon premier projet est l’adaptation d’une thèse et son auteur (Jérôme Berthaut) m’a beaucoup aidé pour la création de l’histoire. Le scénario c’est encore un autre domaine, une bonne histoire ne fait pas forcément un bon scénario.

Sinon l’avantage d’être seul c’est qu’on a pas à subir les mauvaises idées des autres, mais l’inconvénient c’est qu’on a du mal à se rendre compte que les nôtres sont tout aussi mauvaises.

Y A-T-IL UN PROJET DONT TU ES PARTICULIEREMENT FIER ET QUE TU SOUHAITERAIS NOUS PARTAGER ?

Bah clairement “Pain Bénit” ! Foncez l’acheter ou la commander dans votre librairie préférée.

Pour conclure

DES PROJETS À VENIR ?

Je travaille sur une exposition à Marseille autour de “Pain Bénit” à la galerie et librairie de Même pas mal. Après, j’aimerais illustrer des jeux de société, mais ça, c’est une autre histoire.

COMMENT TE VOIS-TU DANS QUELQUES ANNÉES ?

Chauve et riche.

UN CONSEIL À DONNER AUX ÉTUDIANTS ET FUTURS ÉTUDIANTS ?

Ne pas hésiter à pomper les autres auteurs et autrices, et de l’assumer. On l’a tous fait. C’est un bon moyen d’apprendre.

UN CONSEIL À DONNER POUR CEUX QUI SOUHAITENT SE LANCER DANS L’ILLUSTRATION ?

Apprenez à vous connaître.


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Site web : helkarava.com

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Extrait de la bd Pain bénit


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