Lire la vidéo

Joël Le Gigan

Passionné de cinéma, Joël Le Gigan a intégré l’ETPA en 1999 pour suivre un cursus de Technicien supérieur en multimédia et infographie. Progressivement, au fil des opportunités professionnelles, il a bifurqué vers le jeu vidéo et plus particulièrement les effets spéciaux. Un parcours atypique et riche !

(Note de la rédaction : nous rappelons qu’à partir de la rentrée de septembre 2023 ETPA Jeu Vidéo intègre l’école ESMA).

Retour sur tes années d’études

QUEL A éTé TON PARCOURS à L’ETPA ?

Après le bac, j’ai intégré l’ETPA Rennes en 1999 puis à Toulouse l’année suivante car l’école de Rennes avait été rachetée. J’ai suivi ce qui s’appelait à l’époque le cursus de technicien supérieur en multimédia et infographie. J’en ai un super souvenir, c’était un peu familial, nous n’étions pas très nombreux. Dans l‘ensemble, la formation était complète artistiquement et techniquement. On touchait un peu à tout ! A l’ETPA, on avait du matériel à disposition. En 2002, nous n’avions pas toutes les facilités à la maison, il n’y avait pas la fibre, pas d’ordinateurs puissants, du coup à l’école il y avait tout ce qu’il fallait. C’était une aubaine !

Concrètement, on n’était pas dans le jeu vidéo. Ce qui était intéressant, c’est la formation que j’ai eue en infographie où j’ai appris, entre autres, le logiciel Maya. Parallèlement, il y avait des formations d’art, de multimédias pour élaborer des sites internet et des CD-Roms, des mises en page, etc. Tout plein de choses et il y avait un cursus de spécialisation 3D. J’ai donc fait une année de concepteur en ingénierie 3D (animation, compositing). Ce qui peut paraitre étonnant c’est que je suis sorti de l’ETPA sans avoir aucune notion sur le jeu vidéo. J’aimais le cinéma, j’étais passionné d’images. Mais à ce moment-là, je n’étais pas vraiment intéressé par le jeu vidéo. C’est venu progressivement avec le travail !

rabbids

Ton parcours professionnel

JUSTEMENT COMMENT S’EST PASSée L’INTEGRATION DANS LE MONDE PROFESSIONNEL ?

Cela a été super rapide. J’ai même temporisé. Je m’explique : à la fin de ma dernière année de formation j’ai eu la possibilité durant l’été d’être assistant du formateur de la nouvelle promotion. J’ai participé à cela. Ensuite, j’ai travaillé dès 2002 chez Manga Distribution en tant qu’infographiste polyvalent. J’ai bossé sur des menus DVD de mangas, des bandes annonces, des logos animés, etc. Ensuite, j’ai intégré Attitude Studio à Paris (2004 à 2009) en tant qu’artiste FX puis Lead FX. Je suis devenu spécialiste des effets spéciaux pour le milieu du cinéma d’animation et de la télévision. Le studio a fermé en 2009 ! C’est là que je me suis dit, j’essaierai bien au culot le jeu vidéo alors que je n’y connaissais rien. A l’époque, le secteur du jeu vidéo recherchait des gens du cinéma, des compétences, je suis arrivé au bon moment. J’ai pris goût à la discipline. J’ai donc fait du jeu vidéo mon job depuis 2009 bien que je ne sois pas un très grand joueur.

IL A FALLU S’ADAPTER TECHNIQUEMENT ?

J’ai rattrapé sur le tas et appris de nouvelles techniques et méthodes de travail. J’ai intégré Ubisoft à Paris puis à Montpellier jusqu’en octobre 2022. J’ai notamment travaillé sur Rabbids Travel in Time, The Crew, Rayman Adventures, Assassin’s Creed, Mickaël Jackson Experience, Ghost Recon Wildlands, Beyond Good and Evil 2.

bge2

POURQUOI AVOIR QUITTé UBISOFT ?

J’avais envie de changer après 12 années et de voir autre chose, assez paradoxalement aussi me mettre en difficulté, me tester. Je voulais évoluer. J’ai été démarché et j’ai passé plusieurs entretiens. Maintenant, je travaille pour Build A Rocket Boy à Montpellier. C’est un nouveau défi pour moi, une boîte qui travaille avec plein de gens à travers le monde, tout en anglais et j’utilise de nouveaux outils. Je voulais un petit coup de pied au c…, je l’ai ! Le projet rassemble beaucoup de choses qui m’intéressent et l’équipe est super.

QU’EST CE QUE LE PROJET EVERYWHERE MIS SUR PIED PAR BUILD A ROCKET BOY ?

Je ne peux pas vous en parler malheureusement. Je suis désolé ! Mais c’est un projet ambitieux.

ON A LE SENTIMENT EN T’éCOUTANT QUE TU CONTINUES EN PERMANENCE à APPRENDRE ET QUE C’EST INHéRENT à TON MODE DE FONCTIONNEMENT PERSONNEL ?

Oui clairement ! Dans le jeu vidéo, les choses évoluent très vite. C’est important de se remettre en question par rapport aux outils, aux méthodes de travail et à la façon d’échanger avec les autres. Les structures des entreprises changent aussi.

Techniquement, en 13 ans, on ne fait plus les jeux de la même façon, tout est plus compliqué à mettre en place, les équipes sont plus importantes.

PEUX-TU NOUS PARLER DE TON MéTIER DE LEAD FX ARTIST ?

Je dirige une équipe de FX Artists. Sur un jeu vidéo, je trouve les meilleures personnes pour que dans le temps imparti on assume un planning savamment préparé. Je recrute aussi, je dialogue avec les autres équipes. Je continue également à produire quand il me reste du temps libre.

tt

QUELLES SONT LES QUALITéS QUE TU DOIS AFFICHER DANS TON TRAVAIL ?

On va commencer par la communication, je suis en plein dedans. Savoir gérer en interne mon équipe et faire en sorte que les rapports soient fluides avec les autres départements. J’attache aussi évidemment une grande importance à la qualité du travail. Je suis en charge de valider cette qualité. Clairement, mon objectif c’est de tirer mes collaborateurs vers le haut. Pourquoi et comment faire mieux ? C’est mon rôle de trouver la bonne voie. Avoir de la psychologie et de la technicité, c’est primordial.

ENTRE CE QUE TU éTAIS PROFESSIONNELLEMENT IL Y A 20 ANS ET MAINTENANT, Y-A-T-IL UNE DIFFéRENCE NOTABLE ?

C’est le jour et la nuit ! Je n’utilise plus les mêmes outils et j’ai un regard tout autre sur mon travail. Je ne suis pas un très grand technicien, il y a des gens dans mon équipe qui me dépassent dans ce domaine. Je suis plus un « entre deux ». J’ai une large connaissance des outils et des techniques et surtout un bon regard artistique. C’est mon point fort ! Je corresponds bien au rôle que j’ai aujourd’hui.

COMMENT AS-TU VéCU L’éVOLUTION DU JEU VIDéO ?

L’ironie du sort dans le jeu vidéo c’est que cela surfe souvent sur ce qui a déjà été fait avant. Les fans de jeux vidéo ont tendance à adorer les anciens produits comme les vieux jeux par exemple sur Nintendo à l’époque, très pixélisés, simplistes. Mais ces jeux étaient beaucoup plus difficiles que ceux que l’on produit actuellement. On perdait tout le temps. Cela se jouait plus sur le gameplay. C’était une autre façon de faire.
Maintenant, c’est plus permissif. Cependant, même un enfant peut prendre goût à un vieux jeu pour peu qu’il soit prenant. La force des jeux vidéo, ce n’est pas juste de l’image mais aussi leur pouvoir immersif.

EST-CE QUE LA TECHNIQUE A PRIS LE PAS SUR L’INVENTIVITé, L’INSPIRATION ?

De mon point de vue, cela a eu lieu dans le milieu du cinéma. On mange des films américains Marvel et compagnie depuis des années qui, et c’est très personnel, ont tué la diversité des films proposés dans les salles. Le jeu vidéo a tendance à faire de même, à s’aventurer à faire beaucoup d’open worlds. Il reste encore cependant dans le jeu vidéo une grosse part d’inventivité, même s’il faut évidemment aussi des jeux qui titillent la rétine.

mj

EN MATIèRE D’EFFETS SPéCIAUX DANS LE JEU VIDéO, Y-A-T-IL DE VRAIeS OPPORTUNITéS DE RECRUTEMENT ?

Si vous saviez comme j’ai du mal à recruter. En matière d’effets spéciaux, c’est une case à part, il y a une certaine forme de pénurie. Pourquoi ? Les formations ne sont pas forcément orientées effets spéciaux, du coup c’est dur de trouver des gens qualifiés.

EST-CE QUE LE E-SPORT FAIT PARTIE DU JEU VIDéO ?

Pour moi, oui ! Cela fait partie des choses qui montrent le jeu vidéo sous un nouveau visage.

Pour conclure

ET DANS 5 ANS, OU SERAS-TU ? UNE AMBITION ULTIME à MOYEN OU LONG TERME ?

Dans cinq ans, je serai avec un peu de chance dans la même boite ! J’aimerais bien revenir à mes premières amours, faire un film : l’écrire, le tourner, le réaliser. Ça parait tellement démesuré. Il faudrait que je reparte zéro. Cela n’arrivera probablement pas !

DES CONSEILS POUR LES FUTURS ETUDIANTS…

Il faut suivre son instinct, la voie qu’on a envie d’emprunter. Si on préfère la partie artistique qu’on le fasse. Si on a envie d’être codeur qu’on le fasse, sans pour autant s’enfermer. Il faut rester ouvert et aborder la globalité du jeu vidéo. Rester focus sur sa passion cela aide pour la suite. Faire d’une passion un métier c’est une chance !

Dernier point : rester humble.

 


Découvrir tous les portraits d'anciens

Découvrir